Sa dégustation

La préparation de nos quatre sens. © shaiith - Fotolia.com

Trois critères essentiels

La dégustation d’un cigare fait appel à quatre de nos cinq sens. Avant d’en détailler l’utilité, il nous a paru essentiel d’écarter d’emblée deux écueils.

  • L’ouïe n’est d’aucun secours pour apprécier un cigare. En approchant le module de votre oreille pour le rouler entre vos doigts et vérifier s’il crisse ou non et ainsi avoir une idée de son hygrométrie, vous risquez d’en décoller la cape. Pour apprécier les conditions d’humidité dans laquelle a été conservé votre module, la palpation, qui sollicite à la fois la vue et le toucher reste l’estimation la plus fiable.
  • Les poumons ne sont pas sollicités non plus. Avaler la fumée, même un peu, n’offre aucun renseignement gustatif et n’apporte aucun agrément à la dégustation. Au contraire: le tabac constituant un cigare, à la différence de la cigarette, n’est pas traité avec des agents de saveur destinés à rendre cette opération agréable. Tant de mauvais souvenirs et d’abandons amers sont nés de ce malentendu !

Les quatre sens véritablement sollicités pour apprécier un cigare sont les suivants:

L’œil

Admirer. La dégustation commence par les yeux. Le format du cigare et la couleur de la cape sont déjà des promesses de plaisir. L’aspect et le grain de cette dernière sont le reflet d’une finition soignée. La bague, sobre ou excentrique, influence aussi cet avant-goût.

Les mains

Toucher. Un examen tactile du cigare vous apprendra tout d’abord si le cigare est correctement humidifié. En pressant doucement le pied du cigare, l’amateur doit constater une certaine élasticité : le module est censé reprendre sa forme doucement. En exerçant ensuite avec la pulpe des doigts des pressions légères et répétées sur tout le corps du cigare, on appréciera la qualité de la construction. Elle doit être homogène pour garantir un tirage régulier. Une résistance constatée à un endroit précis du cigare peut, au fumage, se révéler être un nœud, c'est-à-dire un passage où le cigare s’étrangle et donc tire mal, voire pas du tout.

Le nez

Sentir. Avant l’allumage, le nez offre le premier contact avec la personnalité du cigare. Cuir? Suint? Etable? Bois précieux? Cette approche ne préfigure pas le goût du cigare, mais il ne faut pas s’en priver et même respirer le module sous toutes ses coutures, y compris en plaçant le pied sous les narines. Après l’allumage, il faut penser à respirer sa propre fumée. Celle que le cigare dégage de lui-même – on peut l’agiter par petits cercles sous le nez et humer – et celle que l’on recrache – se lever et marcher dans la pièce, voire en ressortir pour entrer à nouveau, permet d’envisager la dégradation et l’évolution des fragrances sous un autre angle. Par-dessus tout, le nez offre à l’amateur une arme de dégustation capitale à utiliser cependant avec modération: la rétro-olfaction. En faisant entrer la fumée par la bouche et en l’expulsant par les narines, on parvient avec un peu d’expérience à mesurer la puissance du cigare. La rétro-olfaction permet une dégustation optimale, mais irrite les fosses nasales. Utilisez-là avec précaution.

Les lèvres, la langue, le palais

Goûter. À cru. On désigne ainsi l’acte de tirer sur le cigare sans l’avoir allumé. Des arômes apparaissent déjà. Timides mais présents, ils peuvent annoncer le(s) registre(s) aromatique(s) à venir du cigare. Sur les lèvres, une sensation de salé ou de sucré peut naître. Elle témoigne des résidus (magnésium, glucides) issus de la fermentation de la feuille de cape.

Après l’allumage. La palette aromatique se livre enfin. Le volume de fumée et son maintien en bouche libèrent les arômes. La meilleure chose à souhaiter à son cigare, c’est qu’il se consume en offrant ce qu’on appelle une belle évolution. Les arômes perçus, de même que la puissance du cigare vont en effet, si le cigare est bien construit et que le tabac a bien été travaillé, s’accentuer, progresser. Le passage régulier de la fumée lors de l’aspiration va charger les feuilles de dépôts liés à la combustion. Son goût change. Le bon sens voudrait que le cigare devienne de plus en plus puissant à mesure que la dégustation avance, mais ce n’est pas une règle établie. Des cigares se montrent presque agressifs en début de fumage pour évoluer vers l’onctuosité, de la rondeur.

À quel moment interrompre la dégustation? Un cigare exquis jusqu’à s’en brûler les doigts reste rare. Il faut savoir le laisser s’éteindre, si arômes et saveurs présentent plus d’inconfort que d’agrément, même à la moitié.

 

Combien de tiers dans un cigare?

La logique mathématique nous impose bien évidemment le chiffre trois: foin, divin, et purin sont pour nombre d’amateurs et de professionnels les trois moments clés de la vie d’un cigare. Trois temps pour décrire la phase au cours de laquelle le cigare installe ses arômes mais n’a pas atteint son apogée, la phase harmonieuse où arômes et puissance sont à l’équilibre, et enfin celle où la force tend à l’emporter sur la subtilité lors des derniers instants. Attention cependant : ce découpage en trois tiers, utile pour donner des repères à la dégustation, tombe rarement juste ! Des cigares considérés très complexes changent de puissance et de registre aromatique très souvent. D’autres sont très linéaires et livrent les mêmes caractéristiques du début à la fin – ou à peu de chose près. Le cigare ne se laisse donc pas si facilement découper….

Quatre saveurs, une infinité d’arômes. Les saveurs décelables lors de la dégustation sont les quatre fondamentales (sucré, salé, acide, amer), que l’on peut préciser ou nuancer en ajoutant des sensations plus subjectives et plus ou moins agréables, comme le crémeux, l’épicé, le piquant (sur les lèvres et le bout de la langue) l’âcre (dans la gorge), le brûlant (sur la langue), le râpeux (sur la langue) ou encore le cuisant (sur les joues).

 

Ils influencent la dégustation.

Outre la notion de subjectivité (plusieurs personnes fumant le même cigare ne reconnaîtront pas nécessairement les mêmes arômes), plusieurs facteurs peuvent faire varier l’appréciation d’un module.

  1. L’horaire
    Dans les manufactures, les tests d’échantillon on souvent lieu tôt le matin, lorsque le nez et le palais des dégustateurs sont les plus aiguisés. Les perceptions sont évidemment altérées – tout est relatif – au fur et à mesure que la journée avance. Il n’y a pas de bonne heure pour savoir apprécier un cigare, que de bonnes dispositions.
  2. La fraîcheur du palais
    Un bon cigare est le point final idéal d’un bon repas. Mais la richesse des mets et la consommation d’alcool peuvent influencer la dégustation. Des papilles chargées s’avèrent moins vives. Il faut en tenir compte, par exemple si l’on choisit de déguster un alcool fort pour accompagner son cigare.
  3. L’humidité du cigare
    Trop sec, le cigare va chauffer et piquer. Trop humide, il livre un volume de fumée moindre et peut s’éteindre plusieurs fois au cours de la dégustation. Dans les deux cas, l’évolution et la richesse aromatiques seront perturbées.
  4. La coupe
    Si elle est trop large et que le cigare bénéficie, avant même l’allumage, d’un tirage très ample, l’amateur héritera d’une fumée trop aérée. Le cigare se consumera donc plus vite et les arômes seront plus volatiles. Si la coupe est trop juste (par exemple, pratiquée à l’emporte-pièce sur un cigare au roulage plutôt serré), il faudra jouer des joues pour que parvienne en bouche un volume suffisant de fumée : gare à la fatigue. Gare aussi, si le cigare tire naturellement bien, à l’impact trop concentré de la fumée sur la langue : le cigare risque d’apparaître plus agressif, plus piquant.
  5. L’intensité des bouffées
    N’oubliez pas que le rythme et l’intensité de votre tirage jouent sur le volume de fumée et sur la température, donc sur le ressenti des arômes. À vous de trouver le juste tempo.

 

Les mots pour le dire

  • Astringence: resserrement soudain des tissus de la muqueuse de la bouche, comme lorsque on croque un pépin de raisin.
  • Corps: se dit d’un cigare dont les arômes sont intenses.
  • Cuisant: sensation de brûlure désagréable à l’intérieur des joues. Se constate le plus souvent en fin de dégustation.
  • Déséquilibré: se dit d’un cigare dont l’assemblage livre des arômes heurtés, désagréables et /ou une puissance trop débridée.
  • Empyreumatique: notes grillées et torréfiées, comme le café.
  • Linéarité: La palette aromatique varie peu ou pas du tout. Contraire de complexité aromatique
  • Mâche: désigne la densité de la fumée. Un cigare à la fumée généreuse a «de la mâche».
  • Opulent: se dit d’un cigare dont la puissance et les arômes sont très marqués.
  • Pâteux: sensation au niveau du palais lorsque les saveurs et arômes s’alourdissent.
  • Persistance aromatique (ou longueur en bouche): finesse et durée des arômes. Contraire de «court en bouche».
  • Rassasiant: ce que ressent en fin de dégustation le fumeur positivement repu par la puissance et les arômes délivrés par le cigare. On parle aussi de «plénitude».
  • Rondeur: équilibre parfait entre arômes et puissance.

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